La théorie de l’angle mort

Trois heures quarante, yeux grands ouverts.

angle mort

–         Finalement, qu’est-ce qu’elle a décidé ?

Hmm?

–         Ta copine, elle fait quoi au final ?

Elle a décidé d’aller voir ailleurs.

–         Voir quoi ?

Si elle respire mieux avec un autre, si elle pleure moins, rit plus…

–         Parce que la vie change complètement quand on change d’adresse ?

Ben… oui Guy…notre vie peut effectivement être très différente selon les choix qu’on fait.

–         Arrête ! Tu défends toujours tes copines, même quand elles font des conneries. Quand ta spécialité c’est de créer des problèmes, tu vas en avoir peu importe dans quel lit tu couches.

Y’a quand même des gens qui vont voir ailleurs pour trouver la lumière qui manque à leurs jours. On peut comprendre.

–         Z’êtes jamais satisfaits, les humains, jamais ! Ça prend toujours « autre chose », un peu plus de ci, un peu moins de ça… c’est d’une bouffonnerie. Dépenser toute cette énergie pour prêcher le soi, le vrai, l’authentique pour au fond ne vouloir qu’une chose…la vie des autres !

C’est la théorie de l’angle mort. Parfois c’est plus fort que nous.

–         Laisse-faire tes théories… TOUT est plus fort que vous.

Tu roules sur l’autoroute, ciel bleu, conditions idéales… et tu te retournes quand même pour vérifier ton angle mort…on ne sait jamais…c’est le propre de l’angle mort, on ne voit pas qui s’y trouve tant qu’on ne se retourne pas.

–         Et on voit quoi ?

Pas grand chose… enfin, rarement.

–         Et le rapport avec la bécasse qui veut changer de vie ?

Le rapport n’est pas tant avec elle, qui a droit à ses choix…

–         Tu la défends encore.

…qu’avec ceux qui passent leur temps à s’imaginer qu’il y a quelque chose, quelqu’un, de mieux, de différent, mais qu’ils ne verront jamais s’ils gardent les yeux fixés à la route.

–         C’est prudent de fixer la route.

Prudent, en effet. Le problème arrive quand tu ne fais que penser à ce que tu ne vois pas. Que tu te mets à désirer ce que tu pourrais trouver si tu te retournais. Une nouvelle bouche à embrasser, par exemple.

–         C’est vraiment une fixation chez vous, hein ? Les bouches à embrasser.

La quête du nouveau…

–         Nouvelle vie, nouvelle maladie.

C’est à la fois le danger et l’attrait de l’angle mort. Ça prend de la curiosité pour avancer, évoluer, faire mieux…ce qui implique de se retourner pour détecter les menaces… mais ça prend aussi de la vaillance, de la concentration sur la route. Tu comprends ?

–         Pas clair…allume tes phares.

La curiosité, c’est important…jusqu’à ce que ça devienne une distraction. Et la concentration aussi c’est important, nécessaire même…jusqu’à ce que ça devienne un automatisme désincarné.

–         Les phares de nuit SVP.

Ton angle mort… eh bien il peut autant te mener à ta perte qu’à ton salut.

–         Un peu comme moi, alors.

Au fond, c’est dans la nature humaine de vouloir se retourner… mais ce n’est pas dans la nature de tous de changer de voie.

–         Tout le monde n’a pas le clignotant coincé.

Alors ceux-là, les accros à l’angle mort, ils passent leur vie avec un torticolis chronique.

–         Et un réservoir à sec !

Puis pour les plus chanceux, arrive ce jour, ce détour, où l’on trouve enfin la paire de mains…

–         Sur le volant.

Nan… la paire de mains dans le cou qui fait que tu ne veux plus jamais bouger la tête.

–         Et c’est droit devant ?

Droit devant mon Guy. Et tant pis pour le reste.

***

« Il y a deux sortes d’amour : l’amour insatisfait, qui vous rend odieux, et l’amour satisfait, qui vous rend idiot. » ~ Coletteautoroute


2 réflexions sur “La théorie de l’angle mort

  1. Ton angle mort je crois que c’est comme ta version au masculin des passants de Brassens
    Et si…. Et si… Et si…
    Le courage d’avoir la lâcheté d’être déçu d »avoir peut-être essayé d’être plus heureux…

    ça doit faire 1 an ou 2 que je n’ai pas consulté ton blogue, mais je ne sais pas pourquoi ce soir j’ai pensé à toi et à tes volutes

    je te refais signe dans 1-2-3 ans… 🙂

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